Professions libérales de santé et fonds d’investissement : le contrôle effectif de la société à l’appréciation des ordres

Professions libérales de santé et fonds d’investissement : le contrôle effectif de la société à l’appréciation des ordres

Depuis quelques années, les professions libérales réglementées de santé connaissent un mouvement de financiarisation de la profession avec une présence de plus en plus importante de fonds d’investissement aux côtés des professionnels lors de l’acquisition des structures d’exercice. Ce mouvement est particulièrement marqué pour la radiologie, la biologie médicale, la pharmacie d’officine ainsi que la médecine vétérinaire.

De récents changements législatifs et jurisprudentiels pourraient remettre en cause ces modèles.

Des montages juridico-financiers complexes et divers

Les montages juridico-financiers de rachat des cabinets libéraux mis en place par les fonds d’investissement sont complexes et divers et varient en fonction de la réglementation applicable à chaque profession règlementée relativement à la part de détention du capital ouverte aux personnes extérieures à la profession (par exemple, 49,9% chez les vétérinaires, 25% chez les médecins, 0%chez les pharmaciens d’officine).

Toutefois, les schémas reprennent dans leur grande majorité les caractéristiques suivantes :

  • L’investisseur financier finance l’acquisition de la structure libérale par une holding (SPFPL) au sein de laquelle il prend directement une participation (si la législation le lui autorise) ou souscrit des obligations (simples ou convertibles) ;
  • Le professionnel et l’investisseur financiers sont liés par un ensemble de pactes et contrats, aux termes desquels un certain nombre de décisions ne peuvent être prises par le professionnel au sein de la structure qu’avec l’accord de l’investisseur ;
  • L’investisseur dispose d’une option d’achat des titres du professionnel, qu’il peut mettre en œuvre à tout moment, avec la possibilité de se substituer un autre professionnel de son choix ;
  • En cas de cession de la structure libérale, différents mécanismes permettent à l’investisseur financier de capter la majeure partie de la plus-value de cession.
  • Ces mécanismes sont perçus par certains ordres professionnels comme des risques pour l’indépendance de leur profession, voire pour leur monopole. De nouvelles grilles de contrôle ont été établies.

    La transmission des pactes d’associés aux ordres professionnels

    L’ordonnance n°2023-77 du 8 février 2023, qui est entrée en vigueur le 1er septembre 2024, impose aux sociétés inscrites au tableau de la profession règlementée d’adresser à l’instance ordinale, une fois par an (i) un état de la composition de son capital social, des droits de vote ainsi qu’une version à jour des statuts et (ii) l’ensemble des contrats et conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de directions, d’administration ou de surveillance de la société, qui ont fait l’objet de modification au cours de l’année écoulée.

    Pa conséquent, les pactes d’associés, protocoles d’accord et convention de souscription d’obligations conclus avec les investisseurs financiers et les fonds d’investissement, devront être communiqués aux instances ordinales, lorsqu’ils comportent des clauses portant sur l’organisation et la gestion de la société.

    Si cette obligation de communication des pactes existait déjà pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sage-femmes, elle s’applique désormais à l’ensemble des professions libérales règlementées.

    La question du contrôle effectif de la société

    Cette nouvelle obligation de communication doit être prise en compte à la lumière de la jurisprudence récente du Conseil d’État (arrêts du 10 juillet 2023, n°442911 et 452448) en la matière. Par différents arrêts rendus le même jour, le Conseil d’État a approuvé le Conseil National de l’Ordre des Vétérinaires d’avoir radié plusieurs sociétés dans la mesure où les contrats conclus avec les investisseurs financiers privaient les professionnels du contrôle effectif de la société et, partant, ne leur permettait pas d’exercer la médecine et la chirurgie vétérinaire dans le respect de leur obligation déontologique d’indépendance.

    Le Conseil d’État a ainsi jugé que, bien que les accords conclus entre les vétérinaires et les investisseurs financiers respectaient facialement les limites de détentions de capital autorisées, la combinaison des clauses et stipulations des statuts, pactes et contrats privait le professionnel du réel contrôle sur la société d’exercice et rendait par conséquent la situation illicite.

    Cas pratique et implications

    Ces nouveaux outils de contrôle sont à la disposition des instances ordinales dans leurs missions de régulations, mais également des professionnels de santé dans leurs négociations avec les fonds d’investissement et les investisseurs financiers.

    Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter. Le cabinet LACOME D’ESTALENX MARQUIS intervient dans les domaines du droit des sociétés (corporate), des fusions-acquisitions et des opérations assimilées (opérations de haut de bilan notamment). Nous conseillons des personnes physiques (chefs d’entreprises, cadres dirigeants, investisseurs, actionnaires …) et des entreprises françaises et étrangères, dans l’ensemble des opérations de négociations en vue de l’achat et de la vente de sociétés, de cessions, de prises de participations, mais également de contentieux post-acquisition. Notre équipe a développé une compétence spécifique dans l’accompagnement des professionnels de santé (médecins libéraux, pharmaciens, etc.) pour la création et le développement de leurs structures d’exercice et d’investissement.

    Pour aller plus loin

    – Réforme des structures d’exercice des professionnels libéraux
    – Financement d’une officine de pharmacie par un fonds d’investissement : les points de vigilance
    – Cession d’officine de pharmacie : que faire en cas de tromperie sur le chiffre d’affaires de l’officine ?
    – SPFPL de pharmaciens d’officine : les 3 points clefs de la réforme du 8 février 2023
    – Societe d’exercice libéral de pharmaciens : les 3 points clefs de la réforme du 8 février 2023
    – Sortir d’un groupement de pharmacies : une voie parfois périlleuse

    Professions libérales de santé et fonds d’investissement