Financement d’une officine de pharmacie par un fonds d’investissement : les points de vigilance

FINANCEMENT D’UNE OFFICINE DE PHARMACIE PAR UN FONDS D’INVESTISSEMENT : LES POINTS DE VIGILANCE

Le secteur de la santé en France a de nombreux avantages structurels, qui sont bien connus et qui attirent de nombreux investisseurs privés :

  • sa nature non cyclique et constante qui le protège des fluctuations économiques ;
  • des besoins en soins en constante augmentation en raison du vieillissement de la population et de la prévalence des maladies chroniques ;
  • des perspectives de développement, avec l’émergence de nouveaux besoins et la diversification des activités de santé.
  • Ce secteur offre une résistance aux fluctuations économiques et un fort potentiel de création de valeur, ce qui attire les acteurs du private equity, en particulier dans un contexte économique incertain. Ainsi, au fil des ans, les officines de pharmacies sont devenues une cible de choix pour de certains fonds d’investissement.

    Les parts sociales ou actions de sociétés de pharmacie ne pouvant être détenues uniquement par des pharmaciens diplômés, les prises de participations au sein des officines ne peuvent pas être réalisées directement par l’acquisition d’une partie du capital social par les fonds d’investissement. Des montages juridiques et financiers intégrant des emprunts obligataires et l’émission, par la société d’exercice libéral (SEL) ou par la holding SPFPL, d’obligations simples ou d’obligations « convertibles » en actions sont ainsi régulièrement mis en place et proposés à des néo-titulaires désireux d’acquérir leur première officine.

  • Présentation du mécanisme des obligations simples ou convertibles
  • Concrètement, la société de pharmacie (SEL ou SPFPL) émet un emprunt obligataire à hauteur, a minima, du montant nécessaire pour l’acquisition de l’officine. Les obligations sont souscrites par le fonds d’investissement qui, pour réaliser cette souscription, verse à la société de pharmacie le montant de l’emprunt obligataire.

    Les obligations confèrent au fonds d’investissement (prêteur obligataire) un simple droit de créance, c’est-à-dire le droit de recevoir un paiement, ultérieur, de la part de la société de pharmacie. Ainsi, contrairement à des actions ou des parts sociales, les obligations ne donnent pas le droit de prendre part aux bénéfices de la société ne confère aucune la responsabilité de subir les pertes de celle-ci.

    En contrepartie du versement des fonds et de la souscription des obligations, le prêteur obligataire (le fonds d’investissement) perçoit, classiquement, des intérêts, dont le taux est généralement plus élevé qu’un emprunt bancaire, à savoir entre 8% et 10%. Ces intérêts sont parfois capitalisés, c’est-à-dire qu’ils produisent eux-mêmes des intérêts au fil du temps.

    Le principal et les intérêts de ces emprunts obligataires sont, par ailleurs, généralement, remboursés in fine, c’est-à-dire intégralement à la fin de l’emprunt obligataire, qui coure généralement sur une durée comprise entre 5 et 15 ans.

    La loi permet également de créer des obligations conférant la possibilité pour leur titulaire (c’est-à-dire le fonds d’investissement) d’obtenir des avantages supplémentaires, outre la perception d’intérêts et le remboursement du capital, à savoir la possibilité de devenir actionnaire ou d’acquérir des actions. Ces titres, hybrides d’actions et d’obligations, sont notamment les obligations convertibles en actions, qui sont proposées aux titulaires par certains fonds d’investissement.

    Il est important de rappeler que la législation issue du Code de la santé publique et des règles applicables aux SEL et aux SPFPL ne permet pas l’ouverture du capital des sociétés de pharmacie à des non-pharmaciens. Par conséquent, ces obligations « convertibles » en actions ne peuvent légalement pas être converties.

  • Les points de vigilance
  • En premier lieu, il est nécessaire de mesurer avec attention le poids financier d’un tel schéma d’endettement, comparativement à un emprunt bancaire classique. Si la mise en place d’un emprunt obligataire sollicite souvent un apport personnel moindre qu’un emprunt bancaire classique, le coût de l’endettement (le taux d’intérêt) est bien plus élevé. En outre, lorsque l’emprunt obligataire est remboursable in fine, il sera nécessaire d’obtenir un nouveau financement (bancaire ou autre) à la fin de l’emprunt obligataire (et donc au bout de 5 à 15 ans) pour payer l’intégralité du montant des obligations au fonds d’investissement. Dans ce cas, il est important de souligner que, contrairement à un emprunt bancaire, remboursé au fur et à mesure des échéances, l’emprunt obligataire ne permet pas de patrimonialiser et de désendetter l’officine.

    En second lieu, les clauses intégrées au contrat d’émission d’obligations ou aux contrats annexes conclus avec le fonds d’investissement doivent être analysées avec précaution : certaines obligations imposées au titulaire peuvent en effet être contraires à la réglementation applicable aux SEL et SPFPL ou au Code de déontologie des pharmaciens.

    Par exemple, certaines clauses peuvent conférer au tiers investisseur un pouvoir de décisions sur des décisions importantes, notamment les décisions relatives au budget de l’officine, au recrutement de pharmaciens et préparateurs ou aux contrats conclus pour une longue durée, aux choix des grossistes répartiteurs ou du groupement.

    Le mécanisme de sortie du titulaire, c’est-à-dire les modalités, tant financières que temporelles, dans lesquelles il peut céder ses actions de la SEL, doit également être attentivement négocié.

    Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter.

    Le cabinet LACOME D’ESTALENX MARQUIS intervient dans les domaines du droit des sociétés (corporate), des fusions-acquisitions et des opérations assimilées (opérations de haut de bilan notamment). Nous conseillons des personnes physiques (chefs d’entreprises, cadres dirigeants, investisseurs, actionnaires …) et des entreprises françaises et étrangères, dans l’ensemble des opérations de négociations en vue de l’achat et de la vente de sociétés, de cessions, de prises de participations, de partenariats et joint-venture, de restructurations de groupe de sociétés. Notre équipe a développé une compétence spécifique dans l’accompagnement des professionnels de santé (médecins libéraux, pharmaciens, etc.) pour la création et le développement de leurs structures d’exercice et d’investissement.

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