Sortir d’un groupement de pharmacies : une voie parfois périlleuse
Un arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2023 (n°22-13.149) met en lumière les difficultés auxquelles peuvent se confronter les pharmaciens souhaitant quitter leur groupement.
Le risque d’exclusion en cas d’affiliation à un groupement concurrent
Dans cette affaire, trois holdings de pharmaciens d’officine avaient adhéré à un groupement de pharmacie (en l’occurrence le groupement PHARMABEST) et avaient souhaité le quitter. Les pharmaciens avaient donc pris la décision de faire adhérer à un nouveau groupement leur société d’exploitation (SEL) et non pas leur holding.
Les autres membres du groupement, estimant que les trois holdings (actionnaires de la société PHARMABEST) avaient agi en violation de leur obligation de non-concurrence, ont ainsi voté avec effet immédiat leur exclusion.
Une exclusion emporte nécessairement le rachat des actions de la société PHARMABEST détenues par les trois holdings exclues. Toutefois, les parties n’ont pas pu s’accorder sur la valorisation des actions et en particulier sur l’exercice à prendre en compte pour effectuer cette évaluation, en raison de divergences d’interprétation des statuts et du pacte d’associés de PHARMABEST.
Les difficultés procédurales liées à l’expertise de valorisation
La société PHARMABEST a donc sollicité, et obtenu du tribunal de commerce, la désignation d’un expert judiciaire pour évaluer les actions détenues par les holdings de pharmaciens exclues.
Or, une évaluation financière de la valeur des titres d’une société ne peut se réaliser que sur la base d’un ensemble d’éléments comptables et financiers, dont certains n’ont pas été communiqués par le groupement PHARMABEST. Les holdings exclues ont ainsi saisi une nouvelle fois le tribunal afin qu’il soit enjoint au groupement de communiquer à l’expert différentes informations, dont le grand livre du groupement, sa liasse fiscale ainsi que le détail des chiffres d’affaires de chaque pharmacie adhérente au groupement.
La Cour d’appel a fait droit à cette demande que le groupement contestait en indiquant ne pas être en possession du détail du chiffre d’affaires de chacun de ses membres.
Réponse de la Cour de cassation : il ne peut être enjoint à une partie de produire un élément de preuve qu’elle ne détient pas
La Cour de cassation, sur le fondement des articles 10, 11 et 145 du Code de procédure civile, a censuré la Cour d’appel et lui reproche de ne pas avoir vérifié que le détail du chiffre d’affaires de chacun des membres du groupement PHARMABEST était un document qui existait, ou du moins qu’il était vraisemblablement en possession du groupement.
Cette décision illustre les difficultés auxquelles peuvent faire face les pharmaciens qui souhaitent quitter leur groupement, aux prix parfois de longues procédures judiciaires complexes.
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