Sociétés civiles et demande de révocation du gérant : l’usufruitier de parts sociales n’est pas associé
Pour la première fois, et dans un avis rendu le 1er décembre 2021 (n°20-15164), la Cour de cassation vient d’indiquer de façon explicite que « l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé ».
Si le démembrement de propriété est un outil largement utilisé dans les sociétés familiales pour anticiper la transmission du patrimoine des associés, la question de la répartition des droits entre les usufruitiers et les nus-propriétaires pour la gouvernance de la société a toujours donné lieu à débat. Cette question devient d’autant plus sensible lorsqu’un conflit survient entre les associés.
Classiquement, et notamment depuis un arrêt de la Cour de cassation du 15 septembre 2016 (n°15-15172), il était considéré que l’usufruitier des parts sociales ne devait être obligatoirement convoqué à l’assemblée générale que lorsqu’il était voté sur la question de l’affectation des résultats de la société.
Toutefois, la loi n°2019-744 du 19 juillet 2019 a modifié l’article 1844 du Code civil et est venue remettre en cause cette jurisprudence : l’alinéa 3 de l’article 1844 reconnaît désormais tant à l’usufruitier qu’au nu-propriétaire le droit de participer aux assemblées générales, sous peine de nullité de l’assemblée générale (conformément à l’article 1844-10, alinéa 3, du Code civil).
Avec ce nouvel avis de la Cour de cassation, il faut donc considérer que seul le nu-propriétaire demeure associé.
L’affaire en cause concernait une SCI familiale, au sein de laquelle un conflit entre associés avait cours, et où les usufruitiers détenaient l’intégralité des droits de vote. La demande des usufruitiers visait à provoquer une délibération d’assemblée pour obtenir la révocation de la gérante et la nomination de cogérants.
La Cour de cassation, après avoir indiqué que seuls les nus-propriétaires devaient être considérés comme associés et disposer des pouvoirs de vote au sein de la société, admet toutefois une exception en autorisant les usufruitiers à provoquer une assemblée générale sur une question ayant une incidence directe sur le droit de jouissance des parts sociales.
La possibilité pour l’usufruiter de demander la révocation du gérant est donc conditionné à la preuve que cette décision aura une incidence directe sur la jouissance de ses parts sociales.
Si la décision de la Cour de cassation concerne une société civile immobilière, elle pourrait également s’appliquer aux sociétés par actions (SAS, SA).
Par conséquent, pour sécuriser les relations entre usufruitiers et nus-propriétaires, il est pertinent d’anticiper ces questions et ces risques en établissant préalablement des règles statutaires et extrastatutaires sur ces sujets.
Pour toute question relative à la répartition des droits entre usufruitiers et nus-propriétaires et à la gestion des conflits entre associés, n’hésitez pas à nous contacter.