Statuts vs Pacte d’associés, qui l’emporte ? Ce que deux arrêts récents changent pour vous

Statuts vs Pacte d’associés, qui l’emporte ? Ce que deux arrêts récents changent pour vous.

La Société par Actions Simplifiée (SAS) est plébiscitée par les entrepreneurs pour sa grande liberté contractuelle. Mais cette souplesse a ses limites. Que se passe-t-il lorsqu’un pacte d’associés ou une décision unanime des associés contredit les statuts ? Deux décisions de la Cour de cassation du 9 juillet 2025 (n°24-10.428 et 23-21.160)  viennent éclaircir ce point crucial. Décryptage simple et pratique pour les dirigeants.

Le Contexte : La Liberté de la SAS et ses Pièges

En tant que dirigeant ou associé de SAS, vous savez que les statuts sont le “mode d’emploi” de votre société. Ils organisent son fonctionnement, notamment la nomination, les pouvoirs et la révocation de ses dirigeants.

Parallèlement, il est fréquent de signer des “pactes d’associés”. Ces contrats, conclus en dehors des statuts, permettent d’aménager les relations entre certains ou tous les associés (modalités de vote, conditions de vente des actions, etc.).

La question se pose alors : en cas de conflit, quel document prime ? La Cour de cassation a récemment apporté une réponse en deux temps, aussi subtile qu’essentielle.

Principe n°1 : Les Statuts sont la “Constitution” de votre Société

Dans une première affaire, les associés d’une SAS avaient pris une décision à l’unanimité qui dérogeait aux règles de direction prévues par les statuts.

La décision de la Cour est sans ambigüité : les statuts l’emportent.

Même un accord unanime de tous les associés ne peut pas contourner les règles fixées dans les statuts, sauf à les modifier formellement.

En clair : Les statuts sont la loi suprême de la société. Toute décision, même collective, qui les viole est inefficace. Pour déroger à une règle statutaire, il faut passer par la procédure (souvent lourde) de modification des statuts.

Principe n°2 : L’Engagement Personnel des Associés Reste Valable

Dans la seconde affaire, la situation était différente. Les statuts d’une SAS prévoyaient que son directeur général pouvait être révoqué à tout moment, sans indemnité. Cependant, dans un protocole d’investissement, des associés de la société mère s’étaient personnellement engagés à ce que ce directeur bénéficie d’une indemnité s’il était révoqué avant un délai de deux ans.

Le directeur a été révoqué avant ce terme, et la société a refusé de payer l’indemnité, invoquant ses statuts.

La décision de la Cour est ici plus nuancée :

1. La société n’est pas tenue de payer. En effet, l’engagement n’était pas dans les statuts. La société ne peut être forcée d’agir en contradiction avec sa propre “constitution”.

2. MAIS, les associés qui ont signé le pacte sont personnellement responsables. Leur promesse était un engagement contractuel valable. En ne faisant pas “le nécessaire” pour que le directeur obtienne son indemnité, ils peuvent être condamnés à verser personnellement des dommages et intérêts au directeur pour réparer le préjudice subi.

En clair : Un pacte ne peut pas forcer la société à violer ses statuts. En revanche, il peut créer des obligations personnelles pour les associés signataires. S’ils ne tiennent pas leur promesse, leur responsabilité personnelle est engagée, et non celle de la société.

Quelles Leçons Pratiques pour votre SAS ? (Check-list pour les dirigeants)

Ces décisions soulignent l’importance d’une architecture juridique cohérente. Voici les points à vérifier :

1. Auditez vos Statuts : Sont-ils toujours adaptés à votre situation ? Les règles de gouvernance (direction, révocation, majorités) sont-elles claires et conformes à votre volonté ? C’est votre document de référence.

2. Alignez Statuts et Pactes : Si vous signez un pacte d’associés, assurez-vous qu’il ne contredit pas frontalement les statuts. Si un objectif du pacte nécessite de déroger aux statuts, la meilleure solution est de prévoir dans le pacte l’obligation pour les signataires de voter la modification des statuts correspondante.

3. Distinguez l’Engagement de la Société de l’Engagement des Associés : Lorsque vous négociez un accord, soyez très clair sur “qui promet quoi”.

– La société ne peut s’engager que dans le respect de ses statuts.

– Les associés peuvent prendre des engagements personnels plus larges, mais ils en seront redevables sur leur propre patrimoine.

La SAS offre une liberté précieuse, mais elle exige une grande rigueur dans la rédaction de vos documents juridiques. Ces arrêts nous rappellent que les statuts ne sont pas un simple document administratif, mais le pilier de votre organisation. Des statuts bien rédigés et des pactes bien articulés sont la clé pour sécuriser vos relations entre associés.

Le cabinet LACOME D’ESTALENX MARQUIS intervient dans les domaines du droit des sociétés (corporate), des fusions-acquisitions et des opérations assimilées (opérations de haut de bilan notamment) ainsi qu’en contentieux des affaires. Nous conseillons des personnes physiques (chefs d’entreprises, cadres dirigeants, investisseurs, actionnaires …) et des entreprises françaises et étrangères, dans l’ensemble de leurs procédures précontentieuses et contentieuses ainsi que leurs procédures de voies d’exécution.

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