Conflit entre actionnaires : Sanction des majoritaires organisant une dilution frauduleuse du minoritaire
La Cour de cassation a rendu un arrêt important dans le cadre des conflits entre actionnaires et plus particulièrement s’agissant des opérations frauduleuses menées par les majoritaires pour diluer un minoritaire.
L’affaire concernait une société de production et de commercialisation de rhum au sein de laquelle les héritiers du fondateur étaient en conflit. Les héritiers majoritaires ont ourdi une collusion frauduleuse à l’occasion d’une assemblée générale au cours de laquelle ils ont adopté une décision visant à apporter à la société un fonds de commerce.
Dans le cadre de cet apport, si la valorisation du fonds de commerce n’a pas été surévaluée, c’est la valeur de la société elle-même qui a été sous-estimée. De telle sorte que les associés majoritaires qui ont apporté le fonds de commerce ont reçu, en échange de cet apport, un grand nombre de parts sociales nouvelles et ont, de ce fait, dilué de façon importante l’associé minoritaire.
L’associé minoritaire (qui perdait donc une part importante de son poids politique lors des assemblées générales ainsi que de sa quote-part lors des distributions de dividendes) a contesté cette décision.
Toutefois, la cour d’appel ne lui a pas accordé sa demande dans la mesure où l’opération en question n’était pas contraire à l’intérêt de la société qui avait reçu un nouveau fonds de commerce et une nouvelle source d’activité. En effet, il convient de rappeler que lorsque l’associé minoritaire agit contre les majoritaires sur le terrain de l’abus de majorité, il est nécessaire de rapporter la preuve de la contrariété de l’opération avec l’intérêt de la société.
La Cour de cassation, pour trancher le litige en faveur de l’associé minoritaire s’est fondée sur une autre règle de droit : le principe selon lequel la fraude corrompt tout.
En droit, il y a fraude lorsqu’une personne parvient à contourner une règle obligatoire par un moyen efficace et qui le rend, a priori, inattaquable d’un strict point de vue juridique. Tel état le cas en l’espèce puisque la règle de l’abus de majorité ne pouvait pas s’appliquer.
Il ressort de cet arrêt important (arrêt du 30 septembre 2020, n°18-22076) qu’un minoritaire peut dorénavant agir à l’encontre des majoritaires non seulement sur l’abus de majorité mais également (et de façon plus souple) sur le terrain de la fraude.
La sanction de la fraude est non seulement l’inopposabilité de l’acte frauduleux mais également l’octroi de dommages et intérêts au profit de la personne lésée.
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